Le vieux est là, derrière la fenêtre. Le teint blafard, le regard triste.
Sa jeunesse enterrée sous le vieux chêne au fond du jardin semble définitivement réduite en cendres.
Le vieux est las, las d’exister, las de survivre jour après jour.
La vie ne l’a pas épargné, lui le travailleur insatiable ; le pourfendeur de paresse.
Il trône à présent dans l’unique pièce qui sera sans doute sa dernière demeure.
La trotteuse de l’horloge résonne comme un compte à rebours dans sa tête. Ce soir, il dormira peut-être pour la dernière fois après avoir pris son repas de condamné.
Le vieux est là, il observe la silhouette des passants. Ils se ressemblent tous. On dirait des pantins agités par un marionnettiste fou.
Où vont-ils donc ?
Lui aussi a été confronté à la rugosité de l’existence. Mais lui seul sait qu’il n’a pas su en profiter.
Le bonheur d’un verre partagé avec des amis à la terrasse d’un café – le bruit du vent dans les feuilles d’un pommier en fleur – l’odeur du ragout qui mijote à petit feu dans la marmite. Tous ces petits bonheurs qui nous font grandir.
Le vieux est las, il a perdu l’appétit. Ses mains ridées ne le servent plus. Ses yeux fatigués n’osent plus affronter son reflet dans le miroir.
Le vieux est las, il ne marche plus. Il traine son corps qui ne lui appartient déjà plus.
Sa mémoire lui fait parfois défaut. Et pourtant, il résiste.
Le vieux est las, mais il ne capitule pas.
Il trouve encore la force de ne pas succomber aux doux appels de la sagesse.
C’est au petit matin qu’il nous a quitté, délivré de ce fardeau trop lourd à porter.
Le vieux est là, tout près de moi. Je sens son aura, halo invisible qui m’échappe.
Le vieux est là, dans ton sourire, dans tes gestes et dans ton esprit.
Les passants ne le voient pas, et pourtant, le vieux est toujours là.